En Côte d’Ivoire, le gouvernement a beau plafonner à deux mois les loyers et cautions lors de la conclusion d’un contrat de bail d’habitation, la mesure est loin d’être effective, en particulier dans la capitale économique Abidjan. Sur le terrain, des bailleurs continuent de dicter leur loi, imposant des conditions souvent difficiles à remplir.
À Abidjan, la capitale économique ivoirienne, avec la croissance de la demande liée à une urbanisation rapide, le prix des loyers ne répond à aucune logique sinon celle de la surenchère constante. Dans un même quartier de la ville, l’écart entre des maisons de standing comparable peut parfois être saisissant.
Dans la commune huppée de Cocody, là où, traditionnellement, on retrouve les loyers mensuels les plus élevés de la ville, le prix d’un studio passe désormais allègrement la barre des 100.000 francs CFA (142 euros) quand le montant moyen oscillait autour de 60.000-70.000 francs CFA (91-106 euros), il y a encore quelques années.
Pour un deux-pièces (salon et chambre) décent, il faut parfois compter le double. Des sommes exorbitantes au regard du SMIG, fixé à 60.000 francs CFA (91 euros).
Et, cerise sur le gâteau, plus que le prix du loyer qui évolue beaucoup plus vite que le niveau de vie des populations, ce sont les propriétaires de maisons qui déterminent à leur guise les conditions d’accès.
Une loi à l’application encore approximative
Nombreux sont les bailleurs qui méconnaissent leurs droits et devoirs, ou alors qui sont tentés d’en abuser en toute conscience. Jusqu’à une date récente, il n’était pas rare de voir certains conditionner l’accès à leur propriété à parfois un an ou plus de caution (dépôt de garantie) et loyers d’avance cumulés.
Devant cette situation de non-droit, le gouvernement ivoirien a fait voter une loi (entrée en vigueur en juin 2018) pour lever les barrières de l’accès au logement du fait de l’inflation sur les loyers et les pratiques exigeant des locataires une dizaine de mensualités.
La nouvelle loi relative au bail à usage d’habitation interdit désormais au bailleur d’exiger du locataire plus de deux mois de loyer d’avance et deux mois de caution, lors de la conclusion du contrat. La violation de cette loi constitue une infraction réprimée par le Livre des procédures fiscales qui prévoit notamment une peine d’un mois à vingt ans de prison.
Par ailleurs, l’annexe fiscale 2020 relève de 20% à 300% le taux de la taxe sur les excédents de caution et les avances qui seront perçus par les propriétaires.
Cependant, toutes ces mesures, si elles ont permis une notable amélioration de la situation avec désormais une moyenne de cinq mois exigée des locataires, «elles sont loin de dissuader de nombreux propriétaires qui continuent, en toute quiétude, d’imposer leurs conditions», a indiqué un promoteur immobilier interrogé par Sputnik.
«Le gouvernement invite, certes, les populations à dénoncer tout bailleur qui ne respecte pas les deux mois de caution et deux mois de loyer d’avance, mais la réalité est bien moins simple qu’il n’y paraît. La plupart des locataires préfèrent rechercher d’autres offres plus à leur portée que de s’engager dans une action de dénonciation qui pourrait, qui sait, leur être préjudiciable», a déclaré le promoteur, sous le sceau de l’anonymat.
De plus, a-t-il souligné, «en attendant la généralisation de l’enregistrement obligatoire des contrats de bail dans un centre des impôts, comme prévu par la loi, la disposition de l’annexe fiscale qui fait passer de 20% à 300% le taux de la taxe sur les excédents de loyers et avances demeure inefficace».
De plus, la loi fait obligation aux exploitants de sites Internet accessibles en Côte d’Ivoire et dont les offres concernent la location de biens immobiliers de disposer d’un agrément, une condition qu’ils sont, là encore, loin de satisfaire.
Pour toute visite d’une maison, le futur locataire est généralement tenu de reverser au démarcheur 5.000 francs CFA (sept euros), une somme qui peut parfois être revue à la baisse en fonction de la capacité à marchander et qui vient s’ajouter à la rémunération perçue par l’intermédiaire (qui équivaut à un mois de loyer) en cas de location.
Ce business, particulièrement juteux du fait de la forte demande de logements, attire inévitablement des personnes aux intentions douteuses. Les cas d’arnaque à la location sont ainsi fréquents à Abidjan. Et les autorités peinent à les endiguer.